Interview de Sébastien Haller (Leganés) : « Je veux jouer la CAN 2025 »

Prêté à Leganés en fin de mercato, Sébastien Haller traverse un début de saison 2024-2025 en demi-teinte, sans avoir encore trouvé le chemin des filets. Cependant, après avoir triomphé de son combat contre le cancer début 2023, l’attaquant international ivoirien, sacré champion d’Afrique lors de la dernière CAN, se dit ouvert à toutes les opportunités pour son avenir. Dans un entretien accordé à Eurosport, il confie avoir désormais une perspective différente sur la vie.

Sébastien Haller, comment jugez-vous votre début de saison avec Leganés ? 

Sébastien Haller. : Mon début de saison a été parsemé d’embûches et n’a pas correspondu à ce que j’espérais. Mais ça fait partie des aléas d’une carrière et de la vie. J’ai envie de dire que le temps fera son œuvre. Il faut être patient et continuer à travailler pour être plus performant.

Pourquoi estimez-vous que votre début de saison a été parsemé d’embûches ?
S.H. : Parce que j’ai été ennuyé par plein de petites blessures de quelques jours. Ce n’était pas musculaire mais plus des coups que j’ai reçus. Ces contre-temps arrivent à chaque fois dans les moments où je sens que je reviens sur le plan physique. C’est arrivé deux fois avant des matches de sélection. Ça fait trois mois que je suis à Leganés et il a aussi fallu que je m’adapte.
Vous avez joué huit matches en Liga cette saison et vous n’avez pas encore marqué. Comment l’expliquez-vous ? 
S.H. : Un attaquant a besoin de confiance, d’enchaîner les matches et de s’adapter à l’équipe. Aujourd’hui, j’évolue dans une équipe qui est complètement différente par rapport à ce que j’avais connu lors des trois ou quatre dernières années (West Ham, Ajax et Dortmund). C’est nouveau pour moi d’évoluer plus loin du but et davantage en contre. Avec une équipe qui a la possession, c’est parfois plus simple. Enfin, il y a aussi une part de mental : quand la frustration et le manque de confiance commencent à s’installer, ça n’aide pas à performer.  Mais je dois m’adapter, je le prends comme un challenge à relever. Il faut faire preuve d’humilité. Ce n’est pas parce qu’on a évolué dans certains clubs qu’on mérite de jouer n’importe où. Aujourd’hui, mon profil ne colle pas forcément au style avec lequel l’équipe joue actuellement. Mais c’est à moi de gagner ma place et de me rendre utile.
Comment ce prêt (sans option d’achat) à Leganés a-t-il été ficelé dans les dernières heures du mercato estival ?

S.H. : J’ai dû recevoir un message à 18h30 comme quoi Leganés était en mesure de faire le deal en prenant en charge la moitié de mon salaire. A ce moment-là, je m’apprêtais à arriver à l’hôtel. C’était à la veille du match Werder Brême-Borussia Dortmund. A cette période, je savais que ça allait être compliqué pour moi avec le BvB et que j’allais passer toute la saison sur le côté ou en tribunes. Donc, j’ai préféré aller à Leganés pour avoir plus de chances de jouer. Dans une ville comme Madrid, c’était beaucoup plus simple de s’adapter surtout pour les enfants avec la présence d’établissements scolaires français.

Vous dites que vous auriez passé la saison en tribunes avec Dortmund. Vous n’étiez donc pas dans les plans du club cette saison ?
S.H. : Non, pas du tout. Donc, le choix a été vite vu. C’était la meilleure chose à faire. Je ne voulais pas faire comme certains joueurs, indésirables à une époque à Dortmund et qui s’entraînaient avec nous. Je voyais un peu l’ambiance et je ne voulais pas être un poids pour l’équipe. Je ne souhaitais pas que les coéquipiers soient désolés pour moi. Garder un joueur qui ne fait pas partie du projet, pour le coach et les partenaires, ça n’a pas de sens.
Avez-vous eu d’autres sollicitations lors du mercato estival ?
S.H. : Oui. Il y a eu quelques prises d’infos. Après, je ne vais pas dévoiler toutes les pistes. Beaucoup de choses auraient pu se faire mais il y a eu des choix. Que ce soit de ma part, de Dortmund et des autres clubs.
Que faudrait-il pour retrouver le Sébastien Haller, qui enchaînait les buts avec l’Ajax Amsterdam (47 réalisations toutes compétitions confondues en 2021-22) ? 
S.H. : Il faudrait repartir trois ans en arrière parce qu’on ne le retrouvera pas. Tout simplement parce que c’était le Sébastien Haller d’Amsterdam. Il n’y en aura pas deux. Je pense qu’on est un joueur différent à chaque fois qu’on change de club ou qu’on évolue. Pour avoir le même joueur, il faudrait avoir les mêmes caractéristiques, le même environnement. Il y a tellement de détails et de choses qui diffèrent. Aujourd’hui, je n’évolue pas dans la même équipe, la dynamique n’est pas la même, je ne suis pas dans les mêmes conditions et dans le même état de forme qu’à l’époque. Mentalement aussi, il y a des choses qui ont changé.
Avec la confiance, tout peut s’enclencher de nouveau rapidement…
S.H. : Comme je l’ai dit, il y a beaucoup de mises en condition. Tu as beau forcer, à partir du moment où tu ne mets pas la personne dans les conditions adéquates pour qu’elle réussisse le mieux, tu sais que tu n’auras pas 100% de la qualité du joueur.
Vous avez joué récemment en Allemagne, en Angleterre et aux Pays-Bas. Qu’est-ce qui a le plus changé dans votre quotidien ?  
S.H. : Ce qui change le plus, c’est le train de vie. Tu ne pars pas tous les trois jours à l’hôtel donc forcément, cela change énormément de choses. D’un point de vue mental, c’est totalement différent. Je serais tenté de dire que je respire un peu plus, mais ça fait aussi partie du jeu. Car quand tu gagnes, tu as une super semaine. Or, si tu perds, la semaine est un peu naze. Lorsque tu joues tous les trois jours, tu as la possibilité de vite te racheter en cas de défaite. C’est donc une manière différente pour se préparer. Après, Leganés va continuer de grandir car il y a beaucoup de potentiel dans le club. Il faut booster tout ça.
Début 2023, vous avez remporté votre bataille contre le cancer. Est-ce que le sujet est souvent évoqué depuis votre arrivée en Espagne avec vos coéquipiers ou vos adversaires ?
S.H. : Pas du tout. Je ne sais pas si beaucoup de joueurs le savent. Après, il y a peut-être une forme de… (il cherche ses mots). Je ne dirai pas de tabou mais presque. On ne sait pas vraiment comment est la personne en face de soi et c’est un sujet assez sensible. En vrai, je n’y pense pas. Avec les joueurs francophones de Leganés (Yvan Neyou, Valentin Rosier), on en a vaguement discuté. Mais, c’est un peu le sujet qu’on essaie de ne pas trop remettre sur le tapis car certaines personnes ne sont pas forcément à l’aise pour en parler car elles ont peur de remuer le couteau dans la plaie. Mais personnellement, je n’ai jamais eu de soucis pour en parler.
Aujourd’hui, avez-vous la sensation d’être un homme différent ? 
S.H. : En fait, ce sont des choses qu’on ne maîtrise pas. Le corps décide tout seul. Au final, je me rends compte qu’il y a des choses que je prends moins à cœur. Je me focalise beaucoup plus sur le positif. Il y a plein de petits trucs
négatifs qu’il faut laisser de côté car ça gâche la vie pour rien. Aujourd’hui, je vois la vie différemment.
Vous avez marqué le seul but de la finale de la dernière Coupe d’Afrique des nations entre la Côte d’Ivoire et le Nigéria (1-0). Avez-vous eu la sensation que ce but et ce titre ont mis un terme cette période ? 
S.H. : Oui, peut-être. C’était un objectif que je m’étais fixé lorsque j’étais malade. Remporter la CAN et marquer le but vainqueur, ça fait quelque chose, forcément. Je me dis que ça a mis un point final à cet épisode. En vérité, ce qui m’est arrivé fait partie de l’histoire. J’en parlais encore aujourd’hui (ndlr : l’entretien s’est déroulé mardi soir), la dernière Coupe d’Afrique des nations est sûrement l’expérience footballistique la plus forte que j’ai vécue. Après, cette compétition a été éprouvante sur le plan mental. Je pense même qu’il y a eu un avant et un après CAN 2023.
Pourquoi ?
S.H. : Par rapport à la manière dont les choses se sont passées. Toute cette pression n’a pas été simple à gérer.
Avez-vous mis longtemps avant d’évacuer cette pression ?
S.H. : Personnellement, ce n’est pas juste la CAN 2023. C’est un long processus, lié à ces dernières années, qui a été éprouvant mentalement. Cette compétition et la finale de la Ligue des champions 2024 (perdu avec Dortmund contre le Real Madrid) ont clôturé tout ça.
Désormais, votre objectif est-il de participer à la CAN 2025 avec la Côte d’Ivoire ?
S.H. : Bien sûr. Après, comme je l’ai dit, il faut se concentrer sur ce qui est contrôlable. Avant de se voir au Maroc en 2025 et en Amérique du Nord en 2026, il faut déjà se sentir bien et performer en club. Pour moi, le plus important est que la Côte d’Ivoire aille le plus loin possible dans ces compétitions. Il faut aussi respecter les choix et la philosophie du sélectionneur. Moi, je ne suis qu’un pion. J’ai brillé à un moment donné mais on est tous de passage.
Vous êtes sous contrat avec Dortmund jusqu’en juin 2026. Avez-vous pour objectif de vous imposer de nouveau à votre retour au BvB l’été prochain ou pourriez-vous être ouvert à une nouvelle expérience ?
S.H. : C’est une question à laquelle plusieurs personnes doivent répondre. Le Borussia Dortmund n’a pas compté sur moi pour cette saison donc je ne vois pas pourquoi il compterait sur moi en 2025-26. Mais, je ne ferme aucune porte. Je vais analyser les opportunités que j’aurai l’été prochain. Je vais voir ce que le club compte faire. Quoi qu’il arrive, la priorité revient au club avec lequel je suis sous contrat. Si demain, Dortmund me dit qu’il a besoin de moi, je serai là.
Vous avez quitté Auxerre il y a neuf ans et demi. Envisagez-vous un éventuel retour en France ?
S.H. : Je ne pense pas, même si tout est possible comme je l’ai dit. Il faut savoir être lucide sur pas mal de questions et la faisabilité de la chose l’emporte parfois sur les envies. Donc, je dirais que pour l’instant, ce n’est peut-être pas d’actualité. Franchement, on ne sait pas de quoi l’avenir est fait, donc je ne ferme pas de porte.

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