Carole Roinet (Pilote de Rallye): ” Je veux être la première Ivoirienne championne d’Afrique”

Quand est-ce que vous avez commencé le Rallye ?

Ma rencontre avec le Rallye a commencé en 2022. J’aurais dû commencer un peu plus tôt mais comme c’est un sport très coûteux et qu’ici il n’est pas rémunéré, j’ai préféré d’abordme concentrer sur mes priorités.

D’où vous est venue cette passion ?

En fait, j’ai toujours été passionnée par les sports traditionnellement pratiqués par les hommes. En dehors du Rallye, je fais du taekwondo, de la plongée, du snorkeling, du ski nautique, du ski alpin, du vol en planeur et du deltaplane. C’est peut-être de là que je tire mon plaisir. Peut-être aussi que c’est génétique car mon père Fezan Bi était le premier dirigeant de la Firpac.

En quelle année avez-vous fait votre première course ?

C’était en février 2022, au Bandama. La première fois que je me suis assise dans une voiture de Rallye. C’était au Rallye de Bandama. On m’a dit que je prenais des risques et qu’il fallait d’abord apprendre, me roder. J’ai répondu que j’allais me roder dans la pratique.

Qu’avez-vous ressenti pour cette première ?

J’avais l’impression d’être assise par terre. C’était très bizarre. C’était l’inconfort de la voiture qui m’a marquée. On ressent toutes les secousses, on a vraiment l’impression d’être à même le sol. Et puis je n’avais pas conduit de voiture manuelle depuis des annéesje roule en automatique-donc ça m’a un peu fatiguée.

Étiez-vous la seule femme à cette époque ?

Non, il y avait déjà des femmes. La première femme pilote de Côte d’Ivoire, je pense, c’est Madame Khadi Engelbert. Ensuite, il y a eu d’autres femmes, aussi bien pilotes que copilotes. Mais moi, je suis la première femme à être devenue championne de Côte d’Ivoire.

Comment s’est passé vos débuts ?

J’ai cassé ma voiture, une Logan. Ces voitures avaient souvent des problèmes de cardans, et j’ai fini par casser. Mais comme mon mari est un très bon mécanicien, il a dit: « Plus jamais ça ». Je n’ai donc plus cassé. La première année, j’ai terminé quatrième même si je n’ai pas participé à tous les Rallyes à cause de mes voyages. La deuxième année, j’ai dit aux hommes : « Je vais rouler comme vous ». Et je l’ai fait. Les villageois m’ont acclamée, j’ai mis de la poussière et j’ai terminé sur le podium. En 2022, c’était pour me familiariser. En 2023, je suis devenue championne. J’ai vraiment progressé.

Quelles qualités faut-il avoir pour faire du rallye, surtout en tant que femme ?

Le Rallye n’est pas un sport physique comme la lutte, ce n’est donc pas une question de force masculine ou féminine. Ce qui compte, c’est la technique et le mental. Il ne faut surtout pas avoir peur. Il faut être aussi passionné. Quand on aime quelque chose, on le fait bien. Il y a des hommes qui savent très bien cuisiner, et des femmes qui ne savent pas le faire du tout. C’est la passion qui fait la différence.

Quel est votre niveau par rapport aux hommes ?

Le niveau est personnel. Ce qui compte, c’est de s’améliorer soimême. Le Rallye, c’est de la mécanique. On peut être très bon et casser, ou très moyen et terminer la course. Le plus important, c’est de progresser sur ses propres temps, maîtriser les virages, les techniques. Moi, je sais que je me suis beaucoup améliorée.

Comment préparez-vous la 51e édition du Bandama qui aura lieu ce week-end ?

Tous mes Rallyes sont un plaisir. Vous avez sûrement remarqué que j’ai toujours le sourire aux lèvres. Je suis heureuse parce que je vais piloter en brousse, j’adore la nature, et j’aime rencontrer les villageois. C’est une partie demoi. J’aime aider, offrir des cadeaux aux mamans et aux enfants, manger la nourriture locale. Ça déjà, c’est un Bandama réussi pour moi. Ensuite, vient la voiture. Il faut laisser les dieux de la mécanique décider. Il ne faut pas se prendre la tête, juste rouler et donner le meilleur de soi.

C’est donc aussi une forme d’action caritative ?

Oui. Car, grâce au Rallye, on traverse des villages qu’on n’aurait jamais visités. Des endroits très enclavés. Parfois, les enfants courent à notre approche, effrayés. Alors on se dit que si on peut se permettre d’acheter une voiture de Rallye et payer les engagements, on peut aussi mettre un peu d’argent de côté pour faire des gestes simples. C’est important.

Quels sont vos objectifs pour ce Bandama ?

Mon objectif est simple, rouler et si Dieu le permet, terminer. Il ne faut jamais se dire à l’avance qu’on va gagner. Si on ne gagne pas, on est déçu. C’est un sport de loisir ici, ce n’est pas rémunéré. On sort de l’argent de notre poche ou de celle des sponsors. Donc il faut prendre du plaisir et viser la progression.

Qu’allez-vous améliorer cette année ?

Cela fait trois ans que je cours maintenant. Mes techniques sont bonnes. Ce que je vais faire, c’est rouler, rouler, rouler. C’est tout.

Que pensez-vous de votre copilote ?

Ma copilote Kouassi Lenoir Yaren est comme ma petite sœur. Elle est très silencieuse, très organisée, stricte. C’est mon opposé mais c’est ce qu’il me faut. C’est une copilote idéale, et nous comptons faire beaucoup d’aventures ensemble. Elle a plus d’expérience que moi. Cela fait huit ans qu’elle est copilote. Son père a été président de la Fédération pendant six ans. Elle maîtrise parfaitement son rôle.

D’où tirez-vous votre force ?

Mon mari a été copilote et j’étais son assistante. Il a participé au Paris-Dakar, où il a fini sur le podium cette année. On est partenaires dans notre entreprise. J’aurais pu commencer le Rallye bien plus tôt,mais je voulais d’abord atteindre mes objectifs de vie. Le Rallye ne nourrit pas, il fait plutôt dépenser. Donc il fallait que je sois stable financièrement avant d’y aller. Et aujourd’hui, j’ai le soutien de sponsors comme Euroge et Madis, un ami d’enfance. Je les remercie. Je suis une femme gouro, et comme vous le savez, ce sont des femmes courageuses. Aujourd’hui, je vise le Rallye des Gazelles et peut-être le Dakar.

Allez-vous participer au championnat d’Afrique ?

Le championnat d’Afrique, ce n’est pas encore prévu pour l’année prochaine. Mon objectif pour l’instant, c’est le Rallye Aïcha des Gazelles, au Maroc. Mais je veux aussi être la première femme ivoirienne championne d’Afrique. Je sais que j’en suis capable. J’ai informé mes partenaires et ils m’ont dit qu’ils sont prêts à m’accompagner. Je leur dis encore pour cela.

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